En France, les pompes funèbres ont été aux premières loges de cette crise pandémique
Cette période a été d’autant plus difficile pour les français que pour les employés du funéraire. Ce tabou qui reste caché et pas encore un sujet dont on parle facilement en dehors du Covid, a été d’autant plus compliqué à gérer pendant cette période.
Dans cet article vous trouverez les conditions de travail du milieu funéraire en cette période de crise sanitaire à travers le témoignage d’une de nos collaboratrice Barki Lila, déléguée aux opérations funéraires.
Une période difficile pour les familles des défunts
Ce qui a été le plus difficile à gérer était les émotions des familles qui ne pouvaient pas adresser leurs derniers adieux à leur défunt. Ce qui devait être un moment d’humanité intense à dû être déshumanisé dans un climat des plus froid total.
Les employés du funéraires ont pu apercevoir et ressentir la détresse des familles… Les accompagnants durant les obsèques ont dû gérer les modalités des nouveaux règlements ainsi que l’état psychologique des familles. Leur travail a été perturbé et fortement impacté en cette période, ne pouvant effectuer le travail d’accompagnement habituel avec les familles. Certains n’ont pas pu voir une dernière fois leur proche, il n’y avait aucune présentation du corps, aucune cérémonie possible avant la mise en bière. Un deuil ne peut pas se faire dans ces conditions. L’un des problèmes principaux a aussi été la distance car les personnes qui habitaient loin de leur défunt n’ont pas pu se rendre aux obsèques et avoir une dernière image de leur défunt, ce qui peut être marquant pour les membres d’une famille.
Les directives étant très strictes au début de la crise, aucun membre de la famille ne pouvait se rendre aux obsèques, puis les conditions ont peu à peu changé en passant à un nombre limité de cinq , puis de douze puis vingt… Mais ces conditions n’étaient pas comprises de tous car pour eux il leur était impossible de ne pas adresser un dernier aurevoir à leur défunt. « Les pompes funèbres se trouvaient parfois avec 50 personnes présentes, ne pouvant les empêcher de s’y rendre. Beaucoup d’entre elles ont dû improviser en cette période en faisant entrer les membres des familles par petits groupes.
Interview de BARKI Lila déléguée aux opérations funéraires chez Anubis: Organisation des obsèques durant la période Covid
1. De quelle manière votre quotidien professionnel a-t-il changé pendant cette période ?
Pour moi ça a vraiment été la tenue obligatoire, le masque, la protection pendant la mise en bière. Le contact des gens qu’on connaît qui ne se fait plus avec la distance et les nombreuses barrières durant cette période. Le plus difficile, ce sont les familles avec qui nous avons l’habitude de serrer la main en cas de deuil pour les rassurer et leur dire qu’on est présent pour eux, mais malheureusement ce contact n’était plus possible. Nous avons eu aussi malheureusement en cas de Covid , des familles qui n’ont pas pu reconnaître leur défunt car le corps qui était recouvert d’une housse ne pouvait être ouvert.
2. C'était une évidence pour vous de continuer de travailler malgré les risques que vous pouviez rencontrer ?
Pour moi oui, parce que c’est un travail qui est justement dans le domaine de la mort, du décès, les familles ont donc besoin de nous et encore plus pendant cette période, c’était alors une évidence pour moi de ne pas m’arrêter et de continuer à travailler pour, avant tout le bien-être des familles et aussi pour que la société puisse continuer sur le terrain.
3. Comment vous êtes vous adapté aux demandes des familles ?
On s’est adapté. Alors les familles qui ont eu une personne atteinte du Covid on ne procédait plus de la même manière, j’allais donc à leur rencontre à leur domicile ou à l’extérieur. On a quand même pu les recevoir dans les locaux avec les protections nécessaires et leur expliquer le nouveau déroulement dû au Covid comme ne pas pouvoir voir le défunt, le toucher… et c’est vrai que cette situation a été très douloureuse pour les familles.
4. Vous vous êtes occupé de décès dont des cas Covid, pouvez-vous nous en parler ?
Notre spécialité étant les rapatriements, au vu de la situation sanitaire il n’y a pas eu de rapatriements possible sauf exception, car il y eu certains corps qui sont quand même partis en jet privé dans des situations assez particulières.
Mais avec la situation du Covid, la rencontre des familles comme je le disais, incite à une protection obligatoire et à une inhumation locale pour les défunts.
Malheureusement avec le Covid certains hôpitaux ne faisaient pas la mise en bière, il a donc fallu me mettre toute la panoplie de sécurité avec la combinaison, le masque, les lunettes et protections pour les chaussures pour que j’aille en personne faire les mises en bière accompagnée de deux personnes attitrées pour l’effectuer avec moi.
N.B: la procédure de base lorsqu’il y a un cas de décès Covid c’est : mise en housse hermétique, mise en bière immédiate (que ce soit une inhumation ou une crémation) effectuée soit en chambre funéraire soit à l’hôpital mais dans ce cas là il y un coût que la famille devait prendre en charge. Les délais d’attente étaient aussi plus longs que ce soit pour intégrer une chambre funéraire ou le crématorium qui étaient submergés de travail.
Notons que toute cérémonie a été complètement annulée, le fait aussi de se recueillir auprès du cercueil à la morgue ou en chambre funéraire était interdit ainsi que le transport des familles dans les corbillards.
5. Quelles difficultés avez-vous rencontré au quotidien ?
La surcharge de travail a été très importante durant cette période. En ce qui me concerne, l’une des plus grosses difficultés pour moi était le contact avec les familles, étant habituellement très proche des familles dans ces moments difficiles je n’ai pas pu être aussi proche d’eux qu’en temps normal.
Nous avons eu la chance sur Paris, de pouvoir échanger certains documents par mail, et donc ne pas devoir se rendre sur place, ce qui nous a énormément facilité la tâche.
Mais les difficultés encore une fois c’était les rencontres avec les familles, la tenue obligatoire, les masques à porter au quotidien et ça pendant toute une journée.
Nous avons aussi eu la problématique de l’argent, car les virements étaient plus compliqués à cette période, surtout concernant les suppléments qui sont généralement payés en espèces, il fallait donc se déplacer chez les familles, dans des lieux publics ou les accueillir au bureau avec deux personnes sur place afin de sécuriser le processus de paiement.
6. Avez vous pu bénéficier de l’équipement de protection obligatoire ?
Au début non, mais grâce à mes connaissances et des bonnes relations que j’ai avec certains des membres des hôpitaux et de collègues, j’ai pu bénéficier de l’équipement nécessaire de la tête aux pieds.
7. Quelle a été pour vous la chose la plus compliquée à gérer ?
Pour moi les démarches n’ont pas été les choses les plus compliquées à gérer, même si certaines mairies en dehors de Paris exigeaient notre présence sur place pour les démarches, il fallait alors que je me déplace régulièrement, mais cela est mon travail.
Le plus compliqué pour moi était le côté humain, ne pas avoir pu réconforter les familles au maximum, ne pas avoir pu satisfaire leur demande à 100% était très compliqué pour moi, car il faut savoir que certaines prestations ont été annulées dû au Covid.